Question

Je souhaitais depuis longtemps exploiter une parcelle de terre située en limite de mon exploitation. La propriétaire m’avait consenti un bail à ferme sur ce terrain, qui lui appartenait en propre, peu de temps avant le décès de son époux, alors que ce dernier gérait ses affaires.
Après son veuvage, et ayant oublié l’existence de ce bail, elle a signé un autre contrat de location des mêmes terres au bénéfice de son cousin, qui ignorait lui aussi l’existence de mon bail.
Aujourd’hui, il maintient que son bail étant enregistré contrairement au mien, c’est lui qui est en droit d’exploiter les terres.
Comme je suis entré dans les lieux avant lui, puis-je en poursuivre l’exploitation ?

Réponse :

Les baux ruraux écrits ne sont pas obligatoirement enregistrés, mais peuvent l’être volontairement auprès des services de l’enregistrement des impôts pour un coût de 25 euros.
L’enregistrement leur confère date certaine. En effet, l’article 1377 du code civil dispose « L’acte sous signature privée n’acquiert date certaine à l’égard des tiers que du jour où il a été
enregistré, du jour de la mort d’un signataire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique. »

Dans la mesure où votre bail n’a pas été enregistré, il n’a pas acquis date certaine à l’égard du cousin de votre bailleresse, contrairement à celui de ce dernier à votre égard.
La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a jugé, par un arrêt du 12 septembre 2024 « qu’en présence de deux baux successifs portant sur les mêmes biens consentis à des preneurs différents, le bail ayant acquis le premier date certaine est opposable au locataire qui, à cette date, était déjà en possession des biens loués en vertu d’un titre antérieur n’ayant pas date certaine si le preneur qui se prévaut de l’antériorité de son titre est de bonne foi, à défaut pour lui de connaître cette situation ».
Votre concurrent qui dispose d’un bail enregistré n’était pas informé de votre bail ni de votre exploitation des lieux et est donc de bonne foi.
Dès lors, son contrat est prioritaire, et il peut vous demander de quitter les lieux.
En revanche, votre propriétaire a commis une faute à votre égard, et a engagé sa responsabilité envers vous.
Vous êtes donc en droit de lui demander de vous indemniser pour le trouble que vous subissez.
Dans tous les cas, il est préférable d’enregistrer les baux à ferme écrits, ce qui permet de leur donnerune date certaine, opposable aux tiers, et d’éviter ainsi toute contestation.

Christine FAIVRE,
SCP NONNON & FAIVRE
Avocate,
Spécialiste en Droit Rural, Baux Ruraux et Entreprises Agricoles

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