Question :

Je suis le gérant d’une EARL unipersonnelle qui exploite 200 ha de céréales à paille. J’ai un fils de 21 ans qui vient de réussir son BTS agricole.
J’ai 63 ans, et j’envisage de faire valoir mes droits à la retraite au 31 décembre 2025.
Je suis propriétaire de 120 ha et titulaire de deux baux, l’un sur 50 et l’autre sur 30 ha.
Les bailleurs sont des tiers.
L’un d’entre eux, le propriétaire des 50 ha, envisage très certainement de reprendre ses terres pour les vendre, dès lors que j’ai atteint l’âge de la retraite.
Pour ma part, j’aimerais voir mon fils me succéder sur la totalité de l’exploitation dont la rentabilité serait singulièrement affectée, si elle devait perdre 50 ha.
J’ai, lors de la constitution de l’EARL, mis à disposition de la société la totalité des fermages.
J’ignore si le rédacteur de l’acte à informé les bailleurs de la constitution de la société et de la mise à disposition.
Puis-je envisager la cession des baux à mon fils ?
Quelle est la procédure ?

Réponse :

L’article L .4 11 -35 du code rural et de la pêche maritime, après avoir établi le principe de la prohibition de la cession du bail rural, l’autorise par dérogation au profit d’un descendant.
Pour en bénéficier, le preneur doit en faire la demande au propriétaire.
Ce dernier a la possibilité de la refuser, et dans ce cas le preneur doit saisir le tribunal paritaire compétent.
Toutefois, bien que cela ne ressort d’aucun texte, la jurisprudence de la Cour de cassation restreint le bénéfice de cette autorisation – considérée comme une faveur – au bénéfice des seuls preneurs de bonne foi – donc aux preneurs s’étant abstenu de tout manquement dans l’exécution du bail.
Il s’avère que le manquement qui aurait été constaté, avant même le dernier renouvellement, pourrait être utilisé par le bailleur pour refuser à bon droit la cession.
Manquer à la bonne information du bailleur a pu être considéré comme un manquement grave.
En effet, s’abstenir de l’informer le bailleur de la mise à disposition des terres, dans un délai de deux mois comme le prévoit l’article L411-37 du Code rural, a déjà été considéré par les tribunaux comme un manquement grave susceptible de faire échec à la cession au profit d’un descendant.
Dans un arrêt du 26 octobre 2022, la troisième chambre de la Cour de Cassation a, réaffirmant le principe, considéré qu’il résulte ensemble des articles L411 – 35 et L 411- 37 du code rural et de la pêche maritime que le défaut d’information du bailleur, quant à la mise à disposition d’une société d’exploitation des biens loués, constitue un manquement du preneur à ses obligations le privant du droit de céder le bail.
Ainsi, la cession de vos 80 ha de terres affermées me semble compromise.
Vous avez l’obligation de formuler une demande de cession de bail au profit de votre descendant à chacun de vos bailleurs.
En cas de réponse négative, pour surmonter ce refus, vous devrez saisir le tribunal paritaire.
Devant cette instance, vos bailleurs auront le loisir de soulever le défaut d’information qui a caractérisé la mise à disposition des biens loués lors de la constitution de la société, pour entendre le tribunal confirmer le refus.
Une telle omission est susceptible d’entraîner de considérables effets sur la pérennité de certaines exploitations dont tout ou partie est constituée par un ou plusieurs baux ruraux.

Christine FAIVRE,
SCP NONNON & FAIVRE
Avocate,
Spécialiste en Droit Rural, Baux Ruraux et Entreprises Agricoles

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