Loading color scheme

La reprise d'un domaine viticole : un beau parcours semé d’embûches !

 

La vitiviniculture est un secteur spécifique du monde agricole tant par la technicité de son exploitation, la particularité de son modèle économique ou encore le cadre administratif et législatif particulièrement stricte qui la régit.

 

Avant de reprendre un domaine viticole, au-delà de l’essentielle analyse technique et financière, un audit juridique s’impose.

 

 

L’environnement du domaine

 

La situation géographique du domaine viticole est une donnée primordiale puisqu’elle déterminera la nature du produit final (vin blanc, rouge, pétillant, armagnac…) et en conséquence, la valeur du vignoble et le résultat financier espéré.

 

Inutile de détailler la différence patrimoniale entre un domaine viticole produisant du champagne et un domaine produisant un vin pétillant non distingué…

 

Le Titre IV du Code rural, intitulé « La valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer », structure les différents modes de valorisation des produit agricoles avec notamment le label rouge, les appellations d’origine ou encore les produits issus de l’agriculture biologique.

 

Les articles L.644-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime prévoient des dispositions spécifiques applicables aux vins et spiritueux revendiquant ou bénéficiant d’une appellation d’origine.

 

Sur la base de ces dispositions, chaque territoire viticole a mis en place un cahier des charges dont le respect est indispensable pour acquérir la précieuse appellation d’origine.

 

Des pratiques sont alors imposées telles que la nature des cépages, le nombre de pieds à l’hectare, les périodes de moment de la récolte, les pratiques viticoles etc.

 

Avant la reprise, il conviendra donc de vérifier si le domaine viticole bénéficie de ces caractères distinctifs ou s’il remplit les conditions d’éligibilité.

 

 

Le foncier et les plantations

 

La reprise du domaine pourra se réaliser par plusieurs moyens : soit par la location des vignes, soit par leur achat, soit par la reprise d’une société viticole, propriétaire ou locataire.

 

Dans tous les cas, il faudra analyser la situation juridique des plantations.

 

En application des règles du Code civil (articles 555 et suivants), si le propriétaire bailleur souhaite conserver les vignes à l’issu du bail, il devra indemniser le preneur.

 

En effet, aux termes d’évolutions jurisprudentielles fluctuantes, il semble désormais que les plantations autorisées réalisées par le preneur d’un bail rural deviennent la propriété du propriétaire de la parcelle à l’expiration du bail, peu important que ce dernier ait été renouvelé (Civ 3., 23 novembre 2017, n°16-16.815).

 

Ces règles sont applicables à défaut de stipulations prévues par les parties.

 

En conséquence, le cessionnaire d’un domaine viticole doit être particulièrement vigilant sur les clauses des éventuels baux.

 

Elles devront déterminer avec précision qui, du propriétaire des terres ou du cédant sera propriétaire des plantations.

 

A défaut, le cessionnaire pourrait être amené à acheter au cédant des plantations dont il n’a pas la propriété.

 

Si le repreneur achète les vignes, il devra, comme lors de toute reprise d’exploitation agricole et d’achat de foncier, déterminer préalablement les divers droits de préemption et les purger.

 

 

Les normes administratives et douanières

 

Par arrêté du 4 avril 2005, le Ministre de l’agriculture a mis en place le Casier Viticole Informatisé (CVI) géré et mis à jour par la Direction générale des douanes et des impôts indirects.

 

Les informations traitées concernent les données relatives à l'identification et à la localisation des personnes ayant une activité de production vitivinicole ainsi que les données relatives aux installations de production et de stockage et relatives au potentiel de production.

 

Chaque viticulteur est répertorié au CVI et possède son propre identifiant.

 

Le CVI recoupe notamment les données concernant les parcelles plantées, les cépages, les aires d'appellation et le droits de plantation ou de replantation.

 

En effet, tout arrachage ou plantation de vinges doit être précédé de l'obtention d'une autorisation délivrée par France Agrimer (www.franceagrimer.fr).

 

Pour prétendre planter de pieds de vigne, l'exploitant doit préalablement arracher ou possèder des autorisations de plantation.

 

Il doit procéder à un certain nombre de déclarations adminsitratives préalables.

 

A défaut, il risque, outre d'être contraint d'arracher ses vignes, une amende fiscale allant de 450€ à 100.000€ par hectare selon l'infraction réalisée et le délai écoulé pour procéder à l'arrachage des vignes (article L.665-5 du Code rural et de la pêche maritime).

 

La sanction est dissuasive.

 

Aussi, avant l'acsuisition du vignoble, le futur exploitant veillera à la régularité du domaine au regard de ces déclarations adminsitrative et douanières.

 

Il veillera également à ce que la cession comprenne les droits de plantation nécessaires à la réalisation de ses futurs projets.

 

 

La marque et la distribution du vin

 

Plusieurs solutions s’offrent au viticulteur pour valoriser sa production.

 

Il peut adhérer à une coopérative viticole à laquelle il livrera son raisin, ou procéder lui-même à la vinification et vendre en vrac, soit cultiver, vinifier, mettre en bouteille et vendre.

 

Si l’acquéreur reprend la société du cédant, il reprendra en même temps ses obligations éventuelles vis-à-vis d’une coopérative et ne pourra écouler lui-même son vin, sous peine de rompre le contrat de coopération et d’être condamné au paiement de dommages et intérêts.

 

De même, si le cédant produisait lui-même son vin et avait conclu des contrats de distribution, le cessionnaire pourra être tenu par les clauses de ces contrats, ou selon la forme de la cession (par ex. achat limité aux terres), le contrat pourra être résilié et échapper au cessionnaire.

 

Ce dernier devra donc analyser précisément les engagements du cédant et les conditions de la reprise afin d’évaluer ses futures obligations au regard de ses propres projets de commercialisation.

 

Il devra également analyser les actifs incorporels de l’exploitation, notamment les éventuelles marques déposées.

 

En effet, la marque est un élément essentiel pour le domaine viticole puisqu’elle permet de différencier son vin de celui des autres producteurs et permet de fidéliser sa clientèle.

 

La marque est d’autant plus importante qu’elle offre à son détenteur un droit de propriété qu’il pourra défendre contre d’éventuelle tentatives de parasitisme.

 

La marque possède une durée de 10 ans renouvelable (article L.712-1 du Code de la propriété intellectuelle).

 

Préalablement à la cession, l’acquéreur veillera donc au dépôt et à la validité des marques.

 

Enfin, la marque est un vecteur fondamental de valeur.

 

Le vin distribué sous la marque « Cheval blanc » est sans conteste infiniment plus valorisé qu’un quelconque AOP.

 

En conclusion, la reprise d’un domaine viticole est une opération juridique complexe qui nécessite une analyse approfondie préalable.

 

En sus de tous ces éléments, il conviendra également d’analyser les éléments communs à toutes les cessions d’exploitations agricoles telles que l’étude des droits de préemption ou encore l’obtention des autorisations d’exploiter.

 

Dans un prochain article nous examinerons les axes fondamentaux de l’audit fiscal dont la réalisation conditionne une bonne reprise.

 

 

 

Téléchargez cet article en cliquant ici